Nous devinons Jean De Prez bien dans sa peau lorsque au travail, à l'atelier du rêve où il déniche le merle et les mûres, dans l'aube où courent les vents et grelottent les grands ducs, il questionne ses propres mains.
Il sait qu'il a peu vécu, qu'il est le prélude de lui-même et qu'il lui reste tant à vivre, à découvrir, à donner de ces doigts plus scrutateurs que ses yeux.
Ces doigts fixés sur le métal en des rites qui lieront poésie visuelle et assemblage au coeur de questions qui sous-tendent et animent notre destinée.
Ces mains qui déboulonnent les langues de bois, qui par une insatiable curiosité ont rudement prise sur la forme et abolissent les frontières entre travail artisanal et prospection plus noble.
Et conjuguent ainsi le passé au présent, où mémoire et imaginaire règnent en ordonnateurs d'un monde que l'on sait plusieurs fois millénaires.
A Mignault, dans son jardin de girouettes et de folies douces, dans l'atelier où s'entassent les objets retrouvés, d'étranges outils dont lui seul connaît les ressources créatrices, il réalise des rapprochements formels inattendus.
De ce face-à-face où intervient la forge naissent des effigies totémiques en métal.
Un art de série, de métamorphoses qui sont affaires de rêveries peuplées d'une statuaire parfois dicère, de fer forgé, de bicéphales fiancés, fruits d'histoires aux louables portées.
L'inerte se mue en signe humain.
Tragédies individuelles, humour, esprit fantasque, sensibilité murmurée, à peine avouée, apparaissent dans telles figures sobres assemblées avec fraîcheur et vivacité.
Toute une richesse de la transmission, d'échange de paroles d'une majestueuse simplicité.
A l'exemple des 7 nains, Jean est un enfant au front décrispé qui n'atteindra jamais la maturité, en haut des marches des "si", des "ça".
Charmés, nous l'y rejoignons et nous voilà condamnés à lui ressembler dans les apparences qui nous favorisent.
Michel Hallers